IL Y A 2000 ANS, IL FIT UNE ERREUR. OU EUT UN MOMENT D'ABERRATION BIEN COMPRÉHENSIBLE ÉTANT DONNÉ LE CONTEXTE MAIS CE SERAIT DIFFICILE À EXPLIQUER DE NOS JOURS. CE QU'IL ÉTAIT, IL NE L'EST PLUS. ET CE QU'IL EST MAINTENANT COMMENT L'EXPLIQUER ET À QUI ? ET IL FAISAIT CHAUD. C'ÉTAIT PROBABLEMENT UN VENDREDI. MAIS PAS EN AVRIL. SI ON UTILISE LES MOTS D'AUJOURD'HUI.
_____________________________________________________________________________________________

vendredi

JOUR 3

Un historien avait calculé qu'en 5000 ans, il y avait eu 5000 guerres.

Des guerres suffisamment importantes pour que des historiens - les plus savants et spécialisés des historiens - en retiennent le nom

Combien d'autres sans importance ou trop loin pour être notées? À moins que le langage de ces peuples combattant et mourant n'ait pas été transcrit. Leur agonie lointaine n'ayant fait aucun bruit.

Des pays, des nations avaient disparu à chaque fois.

Ou avait été remodelées à chaque fois

Les terres et les îles étant restées telles qu'elles étaient. Ce n'est que tout récemment qu'on peut remodeler la Terre. On se contentait donc de renommer les lieux. Les anciens noms devenant des légendes.

La guerre est la mère ou le père de tous les peuples. Selon l'importance qu'une langue donne à l'homme ou à la femme.

Chaque trait d'une carte géographique, même la plus neutre, représentait un flot de sang. Comme une cicatrice sur le peau signifie une blessure, une opération afin d'inciser, de travailler sous peau et dans le corps, afin de guérir, d'amputer, de soustraire.

Un trait d'encre.

Des millions de morts.

Une frontière.

On s'était battu pour l'avancer, la reculer, l'effacer, la modifier.

Des millions de morts.

Des pays ou, plutôt des noms de pays, étaient disparus. La plupart à jamais. Ou était réapparu, comme une nostalgie avec d'autres frontières.

Après d'autres combats.

Il savait lire les cartes.

La carte était une peau humaine avec des tatouages et des plaies vives.

Il en avait modifié beaucoup.

Quoiqu'il n'ait pu vérifier ce qui s'était passé il y a 5 000 ans.

D'autres historiens affirment que l'Homme est devenu ce qu'il était, il y a 50 000 ans. Quoiqu'on ne trouve de traces d'écriture sur des tablettes d'argile qu'il y a 10 000 ans.

On peut donc affirmer que depuis 10 000 ans, il y aurait eu 10 000 guerres.

Au Moyen-Orient, on retrouve les villes et les civilisations empilées les unes sur les autres dans les cendres du désert

On dit que l'Homme serait né en Afrique.

Mais il y avait trop d'arbres ?

Il aurait voyagé au Moyen-Orient où il aurait fondé des villes et des empires.

L'Afrique ne lui convenait pas ?

Il avait tué ou fait tuer des millions d'hommes.

Et il lui arrivait de tuer encore.

Parfois, discuter ne sert plus à rien.

On renvoie dans le royaume des morts celui qui ne veut rien entendre.

Les humains sont si fragiles.

Il revoyait cette numérotation.

5000 ans.

Il ne savait pas.

5000 guerres.

Possible. Probable.

Mais 2000 ans, 2000 guerres, il savait.

Il les avait toutes faites.

Aussi bien en perdant qu'en gagnant.

On ne peut gagner sans cesse.

Les corps sont fragiles, il faut bien mourir.

Si un homme ne vous tue pas, c'est la Nature et le Temps qui vous achève.

La guerre était un jeu.

Une chanson.

Il avait aimé la gloire, les monuments, l'exaltation des luttes.

Flèches, lances, épées, épieu, masse d'arme, fléau d'arme, hallebarde, épée à 2 mains, hache.

Les armes à feu étaient très bien. Il fallait bien que la mort se modernise. Pendant des millénaires, sauf il y avait 200 ans, on avait tué sans imagination.

Il avait trop tué.

Parfois, il avait une furieuse envie de tuer.

Pénétrer le corps d'une femme.

Pénétrer une femme ou un homme avec un couteau.

Ou les couper en deux.

Ou les décapiter.

Et parler avec la tête tranchée de cette femme ou de cet homme.

Il la déposait sur une table disponible et écoutait ses secrets.

Il y a un temps près de la mort, lorsqu'une lame si fine a tranché le fil de vie sans effort, il y a ce temps où l'esprit du mort récent est encore presque là et où il parle et révèle.

Et, précisément, à ce moment, il y avait une table et sur la table, la tête d'une femme.

Et il parlait avec elle.

Il y avait des gens autour qui n'étaient pas morts et qui fuyaient.

Bientôt, il y aurait des lumières bleues et rouges tournoyantes.

Mais il ne serait plus là.

Il parlait avec la tête et peignait ses longs cheveux avec une peigne d'ivoire ancien. Elle avait de longs cheveux et si doux.

Et des doigts, il faisait des boucles et une tresse.

Le temps est une fibre soyeuse qui prend la forme qu'on désire lui donner si on sait faire. Le tissus s'étire, s'allonge, s'amincit.

Mais il faut savoir.

*

État 1. 26 décembre 2014